Le Blues à Paris
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Le Blues à Paris : Une Histoire Vibrante de Notes et de Migrations

1. Aux origines du blues : des racines afro-américaines au cœur de Paris

Le blues naît dans le sud des États-Unis à la fin du XIXe siècle, porté par les descendants d’esclaves afro-américains. Chant de douleur, de résilience et de dignité, le blues se construit autour de structures musicales simples (12 mesures, gammes pentatoniques, notes bleues), mais d’une profonde expressivité. Au début du XXe siècle, avec la Grande Migration (1916-1970), de nombreux musiciens blues quittent le Sud pour des villes industrielles du Nord comme Chicago ou Détroit.

Mais certains prennent aussi le bateau pour l’Europe, et Paris devient rapidement une destination de choix. Dès les années 1920, la capitale française attire les artistes afro-américains en quête de liberté, fuyant la ségrégation raciale. C’est le début d’une histoire d’amour entre Paris et la musique noire américaine.

2. Les années 1920-1930 : le blues arrive avec le jazz

Le blues ne vient pas seul. Il arrive avec le jazz, son cousin citadin. Dans les années 1920, des figures comme Sidney Bechet, Josephine Baker et Ada "Bricktop" Smith s'installent à Paris. Bien que ces artistes soient avant tout associés au jazz, ils introduisent aussi des sonorités bluesy dans leurs performances. Le club de Bricktop, à Montmartre, devient un point de rencontre pour les artistes américains.

En 1927, Bessie Smith fait une tournée en Europe. Bien que ses passages en France soient rares, son influence est immense. De nombreux musiciens français commencent à s’intéresser aux structures harmoniques du blues, notamment dans les caves de Saint-Germain-des-Prés où jazzmen et bluesmen se croisent.

3. L’après-guerre : explosion des scènes blues

Après la Seconde Guerre mondiale, Paris reste un foyer culturel pour les musiciens noirs américains. Des figures comme Memphis Slim s’y installent durablement. Arrivé en France dans les années 1960, ce pianiste de Chicago devient une véritable figure du blues à Paris. Il s’installe à Paris en 1962 et y reste jusqu’à sa mort en 1988. Il se produit régulièrement au Caveau de la Huchette, au Petit Journal Montparnasse et dans d’autres clubs mythiques.

Parmi les autres figures notables passées par Paris, citons Big Bill Broonzy (en tournée en France dans les années 1950), Champion Jack Dupree (installé en Europe), ou encore Nina Simone, qui passe de longues périodes à Paris dans les années 1970.

4. Clubs, caves et festivals : Paris, capitale européenne du blues

Durant les années 1950-1970, les clubs parisiens deviennent des lieux d’effervescence. Le Caveau de la Huchette, Le Tabou, Le Slow Club ou encore le Jazz Corner accueillent les plus grands noms. Le blues se mêle souvent au jazz, au boogie, voire au rock naissant.

Dans les années 1980, le New Morning devient une institution. Ce club de la rue des Petites-Écuries, dans le 10e arrondissement, programme des artistes blues de renom : Buddy Guy, Taj Mahal, John Lee Hooker Jr, ou encore Lucky Peterson. C’est aussi un point de rendez-vous pour les musiciens français influencés par le blues.

Les festivals jouent aussi un rôle majeur. Le festival Blues-sur-Seine (dans la région parisienne) débute en 1999 et devient l’un des plus grands festivals de blues en France. Paris accueille également le Paris Blues Festival, qui rassemble des artistes de la scène internationale et hexagonale.

5. Le blues français : de l’influence à la création

Peu à peu, une scène blues « made in France » émerge. Des guitaristes comme Paul Personne, Benoît Blue Boy ou Bill Deraime popularisent le style dans les années 1980 et 1990. Ils mêlent l’harmonica, la guitare slide et les textes en français, adaptant le blues à la culture locale.

D’autres musiciens comme Jean-Jacques Milteau (harmoniciste virtuose), Fred Chapellier ou Nina Van Horn participent à la création d’un véritable patrimoine blues français. Des collectifs comme Paris Blues Society voient le jour pour soutenir la diffusion de cette musique.

6. La communauté actuelle : entre tradition et renouveau

Aujourd’hui, le blues à Paris est porté par une communauté dynamique de musiciens, danseurs et amateurs. Des jams blues ont lieu régulièrement au Caveau des Oubliettes, au 38Riv, au Chat Noir ou encore au Jazz Club Etoile.

Des écoles de danse parisienne proposent des cours de blues dancing, un style inspiré des danses sociales afro-américaines. Des festivals comme le Paris Midnight Blues et le Backdoor to Blues organisent des bals et des ateliers pour découvrir la danse blues.

7. Une musique vivante, entre mémoire et création

Le blues à Paris est bien plus qu’un style musical : c’est une mémoire vivante, un langage de l’âme et un vecteur de créativité. Qu’il s’exprime sur une guitare acoustique dans un club intimiste ou dans une grande salle de concert, il témoigne d’une histoire de luttes, de migrations, mais aussi de fêtes et de solidarités.

Il continue d’inspirer des générations d’artistes, de musiciens de rue aux têtes d’affiche. À Paris, ville-monde par excellence, le blues est chez lui depuis un siècle, et il n’a pas fini de vibrer.