Le Jazz à Paris
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Le Jazz à Paris : une histoire envoûtante, de l’entre-deux-guerres à aujourd’hui

1. Les origines du jazz à Paris : une arrivée en fanfare (1918–1930)

L’histoire du jazz à Paris débute véritablement à la fin de la Première Guerre mondiale. En 1918, alors que l’Armistice met fin aux hostilités, les troupes américaines débarquent en Europe avec dans leurs bagages une musique nouvelle : le jazz. C’est à l’occasion du défilé de la victoire sur les Champs-Élysées, en 1919, que les Parisiens découvrent les rythmes syncopés d’un orchestre afro-américain, celui du 369e régiment d’infanterie, surnommé les "Harlem Hellfighters". Leur chef, James Reese Europe, est considéré comme l’un des premiers à avoir introduit le jazz en France.

Le choc culturel est immédiat. Dans les cabarets, les cafés-concerts et les salons mondains, cette musique nouvelle fascine autant qu’elle déroute. Les Parisiens, curieux et friands de nouveautés artistiques, se pressent dans les lieux où résonnent les sons du jazz.

2. Les années folles : le jazz comme emblème de la modernité (1920–1930)

Paris devient rapidement l’épicentre du jazz européen. Dans les années 1920, les musiciens afro-américains trouvent dans la capitale française un refuge contre le racisme sévissant aux États-Unis. Des artistes comme Sidney Bechet, Josephine Baker, Arthur Briggs, ou Freddie Johnson s’installent à Paris. La ville, à cette époque, est un véritable carrefour artistique et culturel.

Le quartier de Montmartre est alors en effervescence. On y trouve des lieux emblématiques comme le Bricktop’s, tenu par la célèbre Ada "Bricktop" Smith, qui devient le point de rencontre des expatriés, des écrivains (comme Ernest Hemingway, F. Scott Fitzgerald) et des artistes parisiens. Le jazz incarne la modernité, la liberté d’expression et la transgression des normes établies.

La danse aussi connaît un essor parallèle. Le Charleston, le Shimmy, et bientôt le Lindy Hop, font fureur dans les bals et les clubs. Le jazz s’infuse dans tous les arts : la peinture, la littérature, la photographie. Il devient un moteur de la révolution culturelle qui anime Paris.

3. Django Reinhardt et l’invention du jazz manouche (années 1930)

Dans les années 1930, une figure émerge avec éclat : Django Reinhardt. Né en 1910 à Liberchies (Belgique) dans une famille manouche, Django est un guitariste autodidacte de génie. Victime d’un incendie en 1928 qui le laisse avec deux doigts paralysés à la main gauche, il développe un style unique qui donnera naissance au jazz manouche.

Avec le violoniste Stéphane Grappelli, il fonde en 1934 le Quintette du Hot Club de France, premier ensemble de jazz à cordes au monde. Leur musique, virtuose et joyeuse, influence durablement le jazz européen et trouve un écho particulier dans le Paris de l’entre-deux-guerres. Le style de Django, mêlant swing, mélodies tsiganes et improvisation, reste à ce jour une référence internationale.

4. La Seconde Guerre mondiale : le jazz résiste

Durant l’Occupation, le jazz devient une musique de résistance. Officiellement banni par le régime de Vichy et les autorités nazies, qui le considèrent comme une "musique dégénérée", le jazz continue néanmoins à vivre dans les caves, les bals clandestins et les cercles d’amateurs. Le Hot Club de France, fondé en 1932, joue un rôle essentiel dans la préservation de la culture jazz.

Des musiciens français comme André Ekyan, Alix Combelle, Hugues Panassié, Django Reinhardt ou encore Eddy Barclay poursuivent la tradition du swing malgré les risques. Le jazz, en tant qu’expression de liberté, devient une arme culturelle contre l’occupant.

5. L’après-guerre et la nouvelle vague américaine (années 1945–1960)

À la Libération, Paris redevient une capitale du jazz. Les clubs se multiplient sur la Rive gauche et dans le Quartier latin. Des établissements comme Le Tabou, Le Club Saint-Germain, Le Blue Note, Le Caveau de la Huchette, ou Le Chat Qui Pêche deviennent les hauts lieux de la scène jazz parisienne.

De nombreux musiciens américains s’y produisent ou s’y installent : Miles Davis, Bud Powell, Dexter Gordon, Kenny Clarke, Don Byas, Chet Baker, Archie Shepp... Paris leur offre un public cultivé, une liberté artistique et un climat moins hostile qu’aux États-Unis, surtout pour les musiciens noirs.

La figure de Boris Vian, écrivain, trompettiste, critique et agitateur culturel, joue un rôle central dans la popularisation du jazz auprès du grand public. Il fréquente les clubs, organise des concerts et fait le lien entre les intellectuels et les musiciens.

6. Les années 1960–1980 : entre renouveau et marginalité

À partir des années 1960, le jazz connaît une baisse de popularité face à l’explosion du rock, de la pop et plus tard du disco. Néanmoins, certains clubs persistent. Le Sunset et le Sunside, créés dans les années 1980 rue des Lombards, deviennent rapidement des piliers de la scène parisienne.

Le jazz se diversifie : free jazz, jazz fusion, jazz funk... Des festivals comme Jazz à Juan, Jazz in Marciac (en province, mais très suivis à Paris), ou Banlieues Bleues en Île-de-France, montrent que le jazz reste vivant. À Paris, des institutions comme la Maison du Jazz, la Radio TSF Jazz, ou le Centre d’Information du Jazz soutiennent activement la création et la diffusion.

7. Le jazz aujourd’hui : entre tradition et modernité (1990–2020)

Aujourd’hui, Paris accueille une scène jazz dynamique, cosmopolite, et en constante évolution. De nombreux lieux perpétuent la tradition : Le Duc des Lombards, New Morning, Le Baiser Salé, Le Studio de l’Ermitage, La Petite Halle, La Gare Jazz, La Dynamo...

La jeune génération de musiciens parisiens fusionne les styles. Des artistes comme Thomas de Pourquery, Émile Parisien, Cécile McLorin Salvant (franco-américaine), ou encore Vincent Peirani s’illustrent sur la scène internationale. Les écoles de jazz se multiplient (notamment au CNSMDP, au CRR, ou dans les écoles privées comme l’IMEP).

La capitale accueille également de nombreux festivals : Paris Jazz Festival, Jazz à la Villette, Festival Jazz Nomades, ou encore Jazz sur Seine. Le jazz à Paris n’est plus seulement l’affaire de la nuit : il s’écoute aussi dans les parcs, les bibliothèques, les musées et les salles de concert prestigieuses.

8. Héritage et transmission

Le jazz parisien est un héritage vivant, profondément ancré dans le tissu culturel de la ville. Il reste un espace d’expression libre, d’improvisation, de rencontre entre les cultures. Si la scène a évolué, elle continue de puiser dans l’énergie créative de ses pionniers.

Les ateliers, les jam sessions, les masterclasses et les écoles jouent un rôle fondamental dans la transmission de cette musique. Paris reste une étape majeure pour les musiciens du monde entier.

Aujourd’hui encore, dans une cave enfumée de la rue des Lombards, ou dans un square animé du 11e arrondissement, le jazz continue de faire vibrer la ville lumière.